domenica 27 dicembre 2009

Parole, parole, parole

En septembre dernier, les interprètes du Parlement européen sont restés bouche bée quand un député originaire de Naples s'est mis à prononcer son discours en... napolitain. Il y aurait environ 800.000 personnnes qui parlent ce vivace dialecte. La langue napolitaine est si répandue que la compagnie aérienne EasyJet a même choisi de l'utiliser pour faire ses annonces ! « Sciuri e sciure, benvegn a bord de chel vul chi EasyJet » - ça paraît facile à comprendre quand on le lit, mais pour l'oral vous reviendrez à l'examen de rattrapage.

Dépôt de bilingues. Des statistiques européennes officielles indiquent que c'est en Italie que le niveau d'apprentissage d'une langue étrangère est le plus mauvais. Cela cache le fait qu'ici à Naples, les habitants passent aisément de la langue nationale à leur langue locale. Facilité qui doit aussi expliquer pourquoi ils me comprennent quand je m'exprime en intuilien ou imitalien. Et qui fait que je ne me lasse pas de ma blague quotidienne au vendeur qui tient le kiosque du quartier, que je salue chaque matin d'un "bons journaux !".

Gymnalinguistique. Le muscle qui travaille le plus chez le Napolitain, c'est la langue. La voix est souvent rauque chez les dames. Le visage peut être à ce point expressif que lui seul pourrait suffire à comprendre. La parole s'accompagne de gestes et de mimiques. On appuie le propos par un mouvement de cou. On porte ensemble une ou deux mains, doigts et pouce tendus se touchant et dirigés vers le haut, et on bouge les avant-bras et mains de haut en bas, une ou plusieurs fois.
Et parler dans un combiné ne supprime pas la gestuelle ! En Italie, il y a 1,5 téléphone mobile en moyenne par personne. Quand on ne peut pas décrocher son second téléphone, on le passe au collègue ou au copain qui est à côté de soi.

Ah les gros mots non troppo. Dans une bouche la réalité prend une autre dimension. Au royaume de Naples est bannie toute description plate des choses :
- une personne n'est pas désolée, elle est mortificata ;
- quand ma voisine me laisse un message sur un petit papier, il commence par gentilissimo ;
- si la température chute anormalement pour tomber à + 4°, le froid est siberiano !

Ca langage à rien. Parler est un jeu ; l'important, c'est de participer. Pas étonnant que la parole donnée finisse bien souvent par devenir tout aussi volatile que la conversation qui l'accompagne.

domenica 20 dicembre 2009

Y aura-t-il de la lave à Noël ?

"Auguri di buon Natale !". La personne a sonné à la porte pour me souhaiter un joyeux Noël... et c'est tout ! Elle a ensuite descendu l'escalier avec un seau, et j'ai compris que c'était la personne qui nettoie les parties communes (je ne l'avais jamais vue jusqu'alors). J'ai été tellement surpris qu'elle n'ait pas cherché par la même occasion à me vendre un calendrier que je ne lui ai pas retourné ses voeux. Ils étaient sincères !

A Naples on croit en Dieu, en la Vierge, en Jésus, en Padre Pio, en San Gennaro, en quelques autres saints encore, au Père Noël, et que l'équipe de football sera championne. Naples est une ville profondément religieuse, et observe avec ferveur les traditions de Noël et quelques superstitions.* Elle glisse du fatalisme au Natalisme.



Chaque année, un sapin est placé au centre de la grandiose galerie Umberto, un passage commerçant au centre névralgique de la ville. Chaque année, on vient y accrocher sa lettre au Père Noël. Chaque année, le sapin est volé.**
Cette année, on l'a retrouvé dans le quartier espagnol.

Petit à petit, le sapin se remplit des papiers les plus divers. Au point qu'on est venu lui adjoindre un deuxième sapin, pour supporter le poids des commandes à Babbo Natale, des requêtes, des suppliques, et des voeux les plus divers.


Car l'albero dei desideri recueille tous les souhaits. Nombreux sont ceux de paix, de compréhension mutuelle...


Il est des papiers avec un seul voeu, d'autres qui contiennent des listes. La  tendance cette année semble être l'obtention d'un diplôme.


Ici, le signataire anonyme veut que l'équipe de football soit qualifiée pour la Coupe d'Europe. Nous sommes à Naples...


Là, un petit garçon veut un pistolet. Nous sommes à Naples...



* En attendant le 31 décembre, où il paraît que l'on jette ce dont on ne veut plus par la fenêtre !




venerdì 18 dicembre 2009

L'espace public

Sur les trottoirs les plus passants, sur les piazzette et parfois même sur le bord de la route, les vendeurs présentent leur bric-à-brac sur des étals de fortune. Si le présentoir a des pieds, les produits de la vente sont peut-être légaux. Si c'est une boîte en carton qui sert de support, c'est moins sûr. Quand le vendeur expose ses objets sur un drap, c'est pour pouvoir former en toute hâte un baluchon quand le guetteur prévient de l'arrivée de la police.*

L'espace public sert à tout et à tous. Il est le support d'activités plus ou moins parallèles. A côté de chez moi, deux garages sans enseigne exercent leur objet social sur le trottoir de 140 centimètres devant leur local qui ne pourrait faire entrer une voiture. Quand ils repeignent une pièce de carrosserie ou une carcasse de scooter, c'est contre un mur de la ville dont la couleur est désormais indéfinissable tant il a reçu d'éclats.

Sous mes fenêtres se trouve un espace de stationnement aménagé par la municipalité, dont un panneau à l'entrée indique qu'il est payant. Il l'est dans les faits... mais l'argent ne va pas à la ville de Naples. S'en "occupe" du lundi au samedi un homme à qui l'on confie ses clefs, qui range lui-même les véhicules côte à côte et optimise ainsi le stationnement. C'est "son" parking, et personne ne lui en conteste l'occupation (il est d'un fort gabarit... et peut-être protégé aussi, car la police municipale ne passe jamais par là). Dixit une amie napolitaine : "au moins, il travaille !"
Pendant ce temps, la ville de Naples est au bord de la faillite.

L'espace public sert à tout et à tous. On y trouve des chaises prêtes à accueillir le premier venu, qui peuvent aussi servir à réserver "sa" place de stationnement. On y trouve, trop souvent, des déchets. On y trouve des étendoirs pour le linge, souvent attachés par une ficelle à un volet ou à une gouttière, antivol de fortune. Dans le quartier espagnol, les vêtements des habitants du rez-de-chaussée sèchent sur le trottoir à la vue de tous.

L'espace public, c'est aussi un peu de l'espace privé de chacun : comme on vit beaucoup sur le pas de la porte, sur les balcons, sur les terrasses, comme on est constamment sous le regard des Napolitains, la frontière entre le domaine public et le chez soi est floue.

L'espace public est privatisé, mais par tous et c'est ainsi qu'il est public.


* Cela dit, l'application de la loi semble différente selon les quartiers : à Vomero, les vendeurs se replient en cas d'alerte, tandis que sur la Via Toledo, principal axe commerçant, la voiture de la Guardia di Finanza passe entre les vendeurs de sacs Vuitton contrefaits, visiblement indiffénte (ou lassée ?).

venerdì 4 dicembre 2009

Dans la vie, il y a des "o" et il y a des "a"

La pizza. La pizza napolitaine est vraiment bonne.** Ce n'est pas une légende destinée à attirer les touristes, ni un reflet de la fierté locale qui voudrait que tout ce qui est napolitain est forcément mieux puisque napolitain.

On la mange le plus souvent avec des couverts en plastique. Moins l'endroit a de lustre, et plus elle a de chances d'être bonne. Les pizzerie n'ont souvent que cette spécialité à la carte, pas de desserts à proposer, pas même de café.
La pizzeria est le lieu des mélanges sociaux : à cette table un homme seul, costume cravate et attaché-case, à côté un couple de touristes asiatiques, derrière quatre filles bling-bling qui accompagneront leur repas de bière, dont la table sera ensuite occupée par quatre types en bleu de travail plein de peinture.
Une pizza de base peut se trouver à 3 €. Un soir, pour deux belles pizze (précédées d'une entrée offerte pour nous faire patienter) et deux boissons, l'addition était de seulement 12 €. C'était dans le quartier de Sanità, dont la réputation est mauvaise mais pas la pizza : ça vaut le coup (et le coût) de prendre des risques !*


Le pizzo. Il y a la pizza que l'on partage entre amis, et il y a la part de chiffre d'affaire qu'on verse à la Camorra. Le pizzo est le nom donné à "l'impôt" versé au crime organisé pour obtenir "protection".

De temps en temps, des commerces explosent dans des petites villes près de Naples. La presse ne l'écrit pas comme cela, mais on comprend que leurs propriétaires ont refusé de payer le pizzo.
Cette semaine, un prêtre dont la paroisse se trouve dans le quartier espagnol, a fait savoir qu'on lui avait demandé le pizzo. Enième polémique dans les médias... et un homme politique local qui dit que réclamer à une église, cela ne se fait pas. Comme si l'exiger des autres était acceptable.

Toute le monde y passe : sur le marché de la via Brin, illégal mais qui a lieu tous les dimanches matin, c'est 50 à 100 € par étal, 200 € si le marchand vient avec une fourgonnette. Toute l'activité économique est visée : le club de tennis est victime de racket, le coiffeur y va de sa coupe obole, le marchand de poules met au pot,  le découpeur de volailles verse sa quote-quote-part, les discothèques payent leur écot, et les pizzerie leur part.

Et nous tous, qui vivons ici, enrichissons indirectement les clans.


* Le quartier de Sanità serait un des quartiers tenus par la mafia. Il fut en mai le théâtre d'une exécution filmée par des caméras de surveillance et diffusée il y a quelques semaines sur YouTube, ce qui a permis l'arrestation du tueur. Pas plus de sentiment d'insécurité qu'ailleurs : cela fait trois mois maintenant que je vis ici, et je ne crois pas que Naples soit plus dangereuse qu'une autre grande ville. Pour le commun des mortels.

** Mise à jour du 8/12/09 : demain, la pizza napolitaine pourrait être consacrée comme specialità tradizionale garantita au niveau européen, façon de protéger la tradition (Il Mattino)